Polémique – Le judaïsme est une composante de la société marocaine et non pas « un affluent hébraïque », selon Assidon

Débat d’idées. L’activiste marocain Sion Assidon estime que l’emploi dans le texte constitutionnel de 2011 de l’expression « affluent hébraïque » en parlant de la composante culturelle juive marocaine est une « erreur due au fait d’éviter de dire que le Maroc a un affluent ou une composante juive » et ce pour esquiver « la connotation péjorative (…) raciste de juif dans le langage ».

Pour Assidon, qui prenait part à une conférence organisée par des associations opposées à la normalisation avec Israël, ceci prouve « l’ignorance de l’histoire des prosélytismes juif et chrétien » au Maroc.

Assidon, dont les propos ont été relayés par Hespress, a souligné que « la composante juive fait partie intégrante de l’histoire du Maroc et de ses habitants », relevant que l’erreur dans le texte constitutionnel est de se référer à l’affluent juif comme étant « hébraïque » alors que le dénominateur commun entre les juifs marocains n’est pas linguistique.

Commentant le préambule de la constitution de 2011 qui souligne que l’unité du Maroc, « forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen », il a souligné que cette formulation laisse penser « comme si les Juifs sont aujourd’hui à leur place naturelle où ils parlent l’hébreu, alors qu’au Maroc cette langue n’a jamais été une langue de communication entre les membres des communautés juives, en ce sens qu’une partie parlait le tamazight et l’autre le dialecte » arabe, rappelant que « feu Simon Levy a expliqué dans sa thèse qu’à l’exception d’un vocabulaire rare importé de l’hébreu, chacun de ces dialectes locaux est plus proche des dialectes arabes parlés localement, et la langue des juifs de chaque région du Maroc était plus proche des langues locales (…) comme le reste des Marocains ».

Juif marocain, Simon Lévy a participé à la lutte pour l’indépendance du Maroc, puis celle de l’Algérie. Il était l’un des co-fondateurs de l’UNEM, puis membre de la direction du Parti du progrès et du socialisme (PPS) et du syndicat UMT.

Secrétaire général de la Fondation du Patrimoine Culturel Judéo-Marocain, Simon Levy était un militant communiste anti-sioniste de la première heure. Il est décédé en 2011 à l’âge de 77 ans.

+ Ils ne sont pas venus de l’Orient, mais ce sont des Berbères qui s’étaient convertis au judaïsme +

Par ailleurs, Sion Assidon a relevé que le texte constitutionnel, en parlant de l’identité du peuple marocain, fait la distinction entre deux éléments, « le premier étant les composantes, et le second étant les affluents ».

« Ce qui est étrange est que la part africaine est dans la catégorie des affluents. Le Maroc n’est-il pas tout à fait africain? … Il y a dans ce cas une discrimination basée sur la couleur de la peau, on parle d’un élément venu de l’extérieur (…) inscrire ceci dans la constitution ne peut qu’ouvrir la voie au racisme et l’encourager, alors pourquoi se concentrer uniquement sur celui dont les ancêtres sont venus du sud? », s’est-il interrogé.

« Il est question d’un affluent entrant, mais pas d’un élément originaire, c’est grave (…) sachant que les Juifs étaient ici et qu’ils ne sont pas venus de l’Orient, mais ce sont des Berbères qui s’étaient convertis au judaïsme », a-t-il poursuivi.

A cet égard, Assidon a cité les travaux d’historiens tels que Shlomo Sand et Julian Cohen Lacassagne, pour qui « l’existence multiple de communautés juives à travers le monde remonte à plus de 2000 ans (…) et ne remonte pas dans son origine historique à un grand exode religieux de la terre de Palestine comme le prétendent les sionistes. C’est plutôt le résultat des prosélytismes religieux qui étaient largement répandus, contrairement à ce que les théories racistes sionistes prétendent pour justifier un prétendu droit au retour ».

« La plupart des adeptes de la religion juive dans le monde, et également au Maroc, étaient, à l’origine, des autochtones qui se sont convertis à la religion locale à la suite des campagnes de prosélytisme (…) bien avant que le judaïsme ne devienne une religion non prosélyte et une religion minoritaire », a-t-il soutenu.

Pour Assidon, « cette propagation religieuse ne s’est pas accompagnée de celle de l’Hébreu, mais il y a eu une adaptation aux langues locales, sachant qu’au début de notre ère la langue qui avait cours en Palestine était l’Araméen et non pas l’Hébreu ».

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