Conjoncture. La pandémie du Coronavirus (Covid-19) a brusquement interrompu plus de deux décennies de progrès socio-économique soutenus au Maroc, souligne un rapport de la Banque mondiale sur la situation économique, relevant, toutefois, que l’économie marocaine est à même de résister grâce notamment à « la crédibilité de son cadre macro-budgétaire » et à son « accès aisé aux marchés financiers internationaux ».
Selon les auteurs du dernier rapport « Morocco Economic Monitor », en 2020, le Maroc aura subi sa première récession depuis le milieu des années 1990, et la contraction économique enregistrée au deuxième trimestre (coïncidant largement avec le confinement) est la plus importante jamais enregistrée. C’est le résultat de la combinaison de l’offre, de la demande et des chocs externes provoqués par la pandémie, mais aussi des effets des conditions météorologiques défavorables sur la production agricole. La crise a eu un impact sévère sur les emplois et les revenus des ménages, générant un pic de chômage et une détérioration des indicateurs de pauvreté et de vulnérabilité.
Bien que l’économie marocaine montre quelques signes de reprise, la situation reste fragile étant donné la dégradation récente de la situation épidémiologique, relèvent les auteurs du rapport soulignant que l’économie continue de se contracter bien que les derniers mois ont enregistré une reprise partielle des indicateurs de mobilité, et que certaines exportations ont repris leur expansion pré-pandémique.
Cependant, soulignent les auteurs du rapport, après une première vague relativement modérée, le nombre de contagions a commencé à augmenter à la suite du déconfinement, et le Maroc a maintenant du mal à aplanir la courbe et réduire la pression du Covid-19 sur son système de santé. Dans ce contexte incertain, une contraction du PIB réel de 6,3% est prévue en 2020 tandis qu’un retour à son niveau d’avant la pandémie ne devrait pas intervenir avant 2022.
Comme dans une grande partie du monde, la crise actuelle entraînera une augmentation considérable de l’endettement. Les recettes fiscales ont chuté et les dépenses publiques ont été cruciales pour faire face à l’urgence sanitaire et soutenir les revenus des ménages.
+ Malgré la gravité de la crise, le Maroc est mieux placé que d’autres économies émergentes +
Cette situation a naturellement mis fin aux efforts d’assainissement budgétaire des dernières années, relève le rapport prévoyant une augmentation du déficit budgétaire à 7,8% du PIB en 2020 alors que la dette publique devrait dépasser 76% du PIB et le déficit du compte courant augmenter pour atteindre 6% du PIB cette année.
Malgré la gravité de la crise, le Maroc est mieux placé que d’autres économies émergentes pour résister à cette tempête grâce à la crédibilité de son cadre macro-budgétaire, à ses tampons extérieurs relativement importants et à son accès aisé aux marchés financiers internationaux, souligne le rapport.
Les autorités marocaines ont une stratégie de relance ambitieuse. Le gouvernement a l’intention de mobiliser près de 11% du PIB sous forme de prêts garantis, d’injections directes de fonds propres dans les entreprises marocaines et de donner une nouvelle impulsion aux partenariats public-privé liés aux infrastructures.
À cet effet, un nouveau fonds d’investissement stratégique est en cours de création et la Caisse centrale de garantie est en train de se transformer en société anonyme. En outre, diverses réformes structurelles importantes ont été annoncées, notamment la généralisation de l’assurance maladie, une refonte du système de protection sociale autour d’une universalisation des allocations familiales, la rationalisation du vaste réseau des entreprises publiques et un certain nombre de mesures destinées à soutenir le secteur des PME.
L’enquête menée auprès des entreprises par la Banque mondiale au Maroc fournit de nouveaux éléments sur l’impact important et persistant de la pandémie du Covid-19 sur le secteur privé formel. Parmi ses résultats les plus pertinents, 6,1% des entreprises du secteur formel interrogées auraient cessé leurs activités et 86,9% ont signalé une baisse des ventes de 50,4% en moyenne par rapport à leur niveau d’avant la pandémie.
+ La crise actuelle ouvre une fenêtre d’opportunité +
Elle fournit également des informations sur les stratégies d’adaptation des entreprises marocaines, ce qui incluent un recours croissant aux lignes de soutien du gouvernement, une réduction du nombre d’heures travaillées (mais, comparativement, moins de licenciements que dans d’autres pays), l’utilisation de fonds internes pour faire face aux pénuries de trésorerie et un accroissement de l’activité commerciale en ligne.
Selon le rapport, la crise actuelle ouvre une fenêtre d’opportunité pour éliminer les contraintes qui limitaient par le passé le développement d’un secteur privé plus dynamique.
À court terme, il est toujours essentiel d’utiliser tout espace politique disponible pour injecter des fonds et des capitaux propres dans le secteur privé pour éviter que les problèmes de liquidité ne se transforment en une vague d’insolvabilité des entreprises.
Dans une perspective à plus long terme, poursuit le rapport, le Maroc pourrait stimuler la concurrence et instaurer des conditions équitables pour les nouveaux entrants sur les marchés des biens et services, tout en améliorant son capital humain et ses cadres institutionnels.
Pour les auteurs du rapport de la banque mondiale, des politiques industrielles appropriées contribueraient à consolider la position du Maroc en tant que destination de délocalisation de proximité « nearshoring » pour les multinationales et ainsi tirer parti des opportunités stratégiques qui pourraient émerger dans le monde post-pandémique.