Par Ali Bouzerda
Histoire. Les peintures rupestres laissées par les premiers hommes indiquent que le taureau a depuis la nuit des temps été le symbole de la force, mais également du danger. « Prendre le taureau par les cornes » signifie que l’on doit faire face aux difficultés plutôt que de les fuir, comme nos ancêtres qui auraient choisi d’affronter les cornes du taureau au lieu de chercher à les éviter.
En fait, cette métaphore a été évoquée ici pour rappeler que ces dernières semaines la propagation exponentielle de la pandémie du Coronavirus (Covid-19) a fait de nombreuses victimes dans le Royaume et ce n’est pas fini. Le temps est venu de faire face avec détermination aux cornes du coronavirus.
Lors du discours, jeudi soir, à l’occasion du 67ème anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, le Roi Mohammed VI a souligné qu’au lendemain du déconfinement du 24 juin dernier, le nombre des cas confirmés, celui des cas graves et celui des décès ont augmenté, en peu de temps, plus de trois fois, par rapport à la période de confinement.
En bref, une situation gravissime qui nécessite des mesures de prévention draconiennes et surtout une sensibilisation avec des méthodes pédagogiques plus élaborées de la population afin de la mobiliser contre l’ennemi invisible que certains illuminés sous-estiment ou nient l’existence carrément.
+ Un retour au confinement n’est pas exclu +
En s’adressant au peuple marocain, le Roi a été direct et a tiré la sonnette d’alarme: « Dans le Discours que Je te livre aujourd’hui, Mon intention n’est pas de t’adresser des reproches. Je tiens, plutôt, à te faire part expressément de Mes appréhensions quant à une éventuelle hausse exponentielle des cas de contaminations et de décès. Cette situation impliquerait, à Dieu ne plaise, un retour au confinement total, et risquerait de provoquer de notables répercussions psychiques, sociales et économiques ».
Ainsi, il faut bien retenir l’expression : « le retour au confinement total ». Le reconfinement est toujours à l’ordre du jour si les citoyens ne font pas d’effort et changent de comportement au quotidien afin de pouvoir briser la chaîne de contagion et de transmission de la pandémie.
A partir de ce 20 août 2020, le responsabilité incombe en premier lieu aux citoyens petits et grands, riches et pauvres, notamment en respectant les recommendations relatives à la prévention sanitaire, notamment la distanciation sociale et le port du masque de protection.
Au passage, rappelons qu’il n’y a pas de privilégiés y compris « les artistes » comme les appelle mon fils. Et ne citons que le cas de Mister Rachid devenu célèbre avec son « Rachid-show », qui n’a pas eu honte d’exhiber son torse nu en galopant sur un cheval au bord d’une plage déserte, juste pour lui et ses potes, pour impressionner ses fans teen-agers.
« Le personnage » public en question a soudainement oublié qu’il était dans la zone 1 au nord du Maroc et qu’il a violé la loi sur les restrictions sanitaires, et cerise sur le gâteau, il n’a pas eu froid aux yeux de diffuser le tout sur Instagram.
« M’avez-vous vu… eh bien faites comme moi… le Corona, quelle Corona? », semble-t-il dire à ses milliers de fans sur le réseau social.
Bref, un cas d’école de « civisme ». Heureusement qu’il a été interpellé par la police de Tanger…
Et dans cet ordre d’idées, depuis le déconfinement, nombreux citoyens portent le masque mais ne se couvrent pas le visage comme si ce morceau de tissu est juste utile pour être assorti avec la tenue du jour et non pour se protéger et protéger les autres.
Malgré les campagnes médiatiques successives de sensibilisation depuis le mois de mars, le laxisme est devenu la norme. Les gens dans les cafés discutent et même fument dans des endroits fermés sans prendre la moindre précaution contre la propagation du virus comme si le déconfinement rimait avec la fin de la pandémie.
On peut citer des exemples concrets de restaurants et de bars à Rabat où les clients s’oublient et oublient que chaque jour que Dieu fait, le virus Covid-19 fait de nouvelles victimes partout au Maroc.
Sur les réseaux sociaux on se partage des informations contradictoires et parfois des « hoax » sur le traitement de la maladie et sur les découvertes de médicaments alternatifs aux vaccins… Bref, la confusion total face à la peur et l’incertitude qui règnent non pas Maroc seulement mais dans les quatre coins de la planète jusqu’au fin fond de l’Australie chez les aborigènes.
Et comme la responsabilité doit être partagée, à partir de ce 20 août, le gouvernement El Othmani et les autorités concernées sont appelées à changer d’approche et de s’armer de patience dans la lutte contre la pandémie.
+ Une véritable tragédie +
Si sur le plan médical et de la logistique un effort et des moyens colossaux ont été déployés en un temps record, toutefois la manière de communiquer avec la population sur la pandémie n’a pas été aussi efficace qu’on l’espérait.
D’ailleurs, le think tank indépendant Amadeus dans son dernier rapport a soulevé ce qui suit :
« La gestion proactive, responsable, forte, citoyenne et sociale de la crise par l’Etat, au début de la pandémie, a contribué au rétablissement de la confiance, entre l’Etat régalien et les citoyens. Or, depuis quelques semaines, cette confiance réinstaurée semble s’effriter jour après jour, notamment en raison d’une communication du gouvernement jugée défaillante.
Le manque de lisibilité de certaines décisions gouvernementales au Maroc, et ce bien avant le Covid-19, renforce l’incompréhension des citoyens face aux différentes politiques mises en place. De plus, elle participe activement à l’éloignement entre la politique et le citoyen.
L’analyse de la « timeline » de la gestion par le Maroc de la pandémie fait ressortir deux phases distinctes, celle de l’action et de la fluidité de la prise de décision, puis celle du tâtonnement et de l’absence de pédagogie ».
Bien évidemment qu’il y a des gens qui ne connaissent pas ce que veut dire le civisme ou feignent de l’ignorer par paresse ou manque d’éducation, mais les médias publics notamment les chaînes de télévision SNRT et 2M sont appelés à redoubler d’effort et montrer concrètement des images et éléments sonores du terrible impact de la pandémie.
Quand le représentant du ministère de la Santé annonce quotidiennement les chiffres des personnes touchées par la pandémie et ceux qui ont échappé aux griffes de la mort, certains téléspectateurs ne retiennent que les chiffres et l’idée que chacun peut guérir en cas de contagion.
Le Covid-19 n’est pas une histoire de chiffre mais ce sont des images dramatiques de tristesse et de souffrance des victimes et de leurs familles. Ces images n’apparaissent nulle part sur les écrans de nos chaînes nationales pour que le grand public puisse se rendre compte de la tragédie.
« Le nombre d’infections parmi le personnel soignant a enregistré une hausse, passant quotidiennement, de 1 cas durant la période de confinement, à 10 cas tout récemment », a rappelé le Roi dans son discours.
Pour résumer, quand le corps médical, censé secourir la population en temps de pandémie, voit 10 de ses membres infectés chaque jour, sachant que ses ressources humaines et matérielles sont très limitées, n’est-ce pas une véritable tragédie?
In fine, la tragédie, et il n’y a pas de mots plus éloquents pour décrire la situation actuelle ni celle qui se dessine à l’horizon.
Alors, il est temps de bien tenir le taureau par les cornes…