Le livre de Bolton et l’avenir de Trump

Par Dr. Salem Alketbi *

Alors que la controverse politique fait rage autour de l’ouvrage « The Room Where It Happened: A White House Memoir » par l’ancien conseiller américain pour la sécurité nationale John Bolton, la question qui s’impose le plus est celle de l’impact de ce débat sur l’avenir politique du président Trump et ses chances de remporter un second mandat lors de l’élection présidentielle prévue début novembre.

Les chances du président Trump de remporter la prochaine élection tiennent à un ensemble de facteurs. Au nombre de ces déterminants figurent la capacité de son rival démocrate, John Biden, à gagner et le climat politique américain.

Il y a aussi la capacité de l’administration Trump à réaliser des exploits qualitatifs dans le court laps de temps qui lui est imparti, surtout sur le plan économique et dans la lutte contre les ravages de l’épidémie de coronavirus.

Il y a également un soulagement des craintes d’une large partie du peuple américain face au spectre de la division raciale à la suite des récentes protestations raciales provoquées par le récent meurtre de George Floyd par un policier américain.

Le contenu des livres liés à la politique du président Trump font sûrement partie des outils de formation de l’opinion publique américaine pour la période à venir. Leurs contenus devraient être utilisés dans des attaques médiatiques et politiques afin de montrer l’inéligibilité du président Trump pour un second mandat.

Le sérieux du livre de Bolton ne réside pas, à mon avis, dans les faits et les déclarations qu’il a faites sur l’ignorance du président Trump en matière de géographie et d’informations militaires, même s’il ne savait pas que la Grande-Bretagne était une puissance nucléaire. De telles choses ne reçoivent pas toute l’attention du public américain.

Le point le plus grave de ce livre est qu’il vise à établir que Trump a fait passer son propre intérêt pour un second mandat avant les intérêts nationaux des États-Unis. Bolton a fait référence au président qui demandait à son homologue chinois de l’aider à briguer un second mandat en soulignant le poids des agriculteurs et l’augmentation des achats de soja et de blé par les Chinois dans le résultat des élections. Il a aussi dit qu’il cherchait à retenir l’aide militaire de l’Ukraine pour la pousser à nuire à son rival démocrate, John Biden. Il s’agit de la même accusation que les démocrates ont déjà porté à l’encontre du président Trump et ont essayé de l’utiliser comme une accusation de trahison afin de le démettre de ses fonctions.

Visiblement, il est difficile de sous-estimer la conséquence des propos de Bolton et d’autres personnes qui nourrissent les critiques et les opposants du président Trump avec du matériel de quoi le froisser. Cette situation place sa campagne en constante défense jusqu’à l’élection de novembre.

Le poids du livre de Bolton ne réside pas seulement des faits qu’il contient. Il vient aussi du fait que la controverse à son sujet a coïncidé avec la publication d’autres livres. L’un d’eux est un livre de Condoleezza Rice, secrétaire d’État sous George W. Bush fils. Un autre livre, dont l’auteur serait la nièce du Trump, traite des scandales familiaux impliquant le président américain.

En observant la scène politique américaine ces derniers mois, on se rend compte que le président Trump est passé de la case de la confiance absolue dans la victoire aux prochaines élections à la case de la méfiance.

Il a récemment évoqué la perspective de perdre cette élection, citant plusieurs raisons, dont le vote par correspondance soutenu par ses adversaires démocrates. « Le vote par correspondance est la seule façon pour moi de perdre, » a déclaré Trump dans une interview au Washington Times. « Parce que les démocrates trichent, pillent et volent. Ils n’envoient pas dans certaines régions, surtout dans les régions républicaines. »

L’ancien vice-président américain Joe Biden, qui a reçu suffisamment de support des délégués pour la prochaine convention démocrate pour se présenter à la présidence en novembre, semble plus faible que l’ancienne secrétaire d’État Hillary Clinton, qui s’est présentée à la présidence en 2016, Trump estime. Mais il reconnaît que « la machine est plus forte parce qu’ils sont désespérés. »

Les propos de Trump quant à la « manipulation » des résultats électoraux fait partie de sa tactique électorale. Mais ça cache aussi une reconnaissance des résultats des sondages, qui indiquent que Biden mène la popularité de 8 à 11 % selon les différents indices.

C’est une différence peut théoriquement être compensée par quelques bons scores internes et externes. Mais les attaques contre le président Trump de la part des amis d’hier donnent aux démocrates des arguments puissants pour miner ses chances de remporter un second mandat.

C’est ce qui explique que le président Trump ait récemment admis avec fermeté sa baisse dans les sondages, invoquant l’impact de son « harcèlement pendant trois ans » qui lui a fait perdre des points dans les sondages. « Si je n’étais pas constamment harcelé pendant trois ans par des enquêtes fausses et illégales, la Russie, la Russie, la Russie et le canular de mise en accusation, je gagnerais 25 points sur Joe le dormeur et les démocrates glandeurs. C’est très injuste, mais c’est comme ça!!!, » a-t-il tweeté.

Le revirement dans les sondages et le regain de soutien à Biden, qui a obtenu 48 %, contre 43 % pour Trump dans les sondages d’avril, montrent de façon édifiante l’impact très négatif de l’incapacité à gérer la crise du coronavirus et les protestations contre la mort de George Floyd.

Les chances de victoire du président Trump semblent donc dépendre entièrement de sa capacité à faire des accomplissements qualitatifs rapides pour renverser la vapeur des sondages avant le 5 novembre.

* Dr. Salem Alketbi est chercheur, écrivain et politologue

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