Polémique – Le PJD tire à boulets rouges sur le politologue Sehimi qui a dit « des vérités » qui fâchent

On raconte que « Sehimi est l’ami des barbus », erreur. Et pour cause, une vive polémique a éclaté entre les dirigeants du Parti justice et développement (PJD) et le politologue, journaliste et professeur de droit, Mustapha Sehimi, à cause d’un article de ce dernier jugé comme étant « tendancieux » par le parti qui dirige le gouvernement depuis une dizaine d’années.

La guerre des mots a commencé avec la publication sur le site officiel du parti : www.pjd.ma, d’une réponse, en langue française, du Forum des cadres et des experts du PJD à l’article de Sehimi qui a été publié par l’hebdomadaire casablancais « Maroc Hebdo » sur la gestion des affaires de l’Etat et de la pandémie du coronavirus.

Piqué au vif, le Forum a réagi au quart de tour en reprochant à Sehimi, qui « au lieu de mettre en exergue la mobilisation de toutes les forces vives du pays en ce moment délicat de lutte contre la propagation du coronavirus », Sehimi a par contre écrit un article « débordant de haine » et de « mépris à l’encontre du PJD », voire à l’encontre de tous les partis politiques, selon le dit Forum .

Et d’ajouter que Sehimi a critiqué du « haut de sa tour d’ivoire » les efforts du parti tout en se contredisant lorsqu’il évoque « l’échec du PJD à gérer la crise du coronavirus ».

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Selon le site arabophone elaphmorocco.com, le Forum a ainsi loué les « efforts consentis » par le parti dans la gestion de la crise, notamment pour ce qui est du « renforcement des ressources financières et humaines ».

Il a également défendu le bilan du PJD au cours des 8 dernières années à la tête du gouvernement, soulignant les nombreuses « réformes audacieuses », dont « certaines étaient, paradoxalement, louées par l’écrivain (Sehimi) ».

Le Forum a dénoncé la « tentative » de Sehimi de « mettre le PJD dans une position de confrontation avec Sa Majesté le roi », concernant les réalisations qui reviennent au souverain ou au gouvernement.

Pour le Forum, « le chef du gouvernement et les ministres du PJD n’ont pas et ne ressentiront jamais aucune gêne à confirmer qu’ils travaillent sous la direction éclairée de Sa Majesté le roi, qui demeure, selon la constitution, le chef de l’État et le garant de sa stabilité et l’arbitre entre ses institutions ».

Quant à l’affirmation que « le PJD n’a pas de hauts cadres qualifiés », le forum estime que Sehimi est « clairement atteint de cécité », relevant « les compétences dont ont fait preuve ses cadres ».

Le Forum a conclu en soulignant que « dans cette période, caractérisée par l’obligation de porter des masques de protection, l’écrivain (Sehimi) a laissé tomber le sien, en révélant à la fin de son article, les véritables raisons électoralistes, à l’origine de ce qu’il a écrit », soulignant que pour ce qui est des échéances de 2021 et de la question des promesses à faire aux électeurs, Sehimi doit « faire preuve de patience et attendre cette date et le verdict populaire ».

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La réponse du berger à la bergère ne s’est pas faite attendre. Alors Sehimi a pondu un article provocateur intitulé « Fatwa des Ayatollahs du PJD», publié par nos collègues de Quid.ma, dans lequel il a critiqué la performance du gouvernement de Saad Eddine El Othmani, qui, selon lui, aurait un impact sur les échéances de 2021.

« Ils n’ont donc pas changé ! Mais peuvent-ils vraiment changer ? Certains le soutiennent encore et les créditent dans ce sens ; une majorité, elle, n’y croit pas. En témoigne, en l’occurrence, si besoin était la réponse faite à mon dernier article de Maroc Hebdo sur : « Le PJD défaillant », référence faite à ce que n’a pas entrepris cette formation islamiste pour faire face et optimiser la lutte contre la propagation du virus Covid-19 », signale Sehimi dans cet article.

Et d’ajouter : Avant de revenir aux attaques personnelles dont je suis l’objet, il vaut de relever cette première question : qui a publié ce texte infamant, indigne même ? C’est le site pjd.ma qui en a été le support le 14 avril courant à 19h06. Qui l’a signé ? Une obscure association se présentant comme étant le Forum des cadres et des experts du PJD. Les frères ne se débusquent donc pas alors que ce texte a été concocté durant deux jours par le secrétariat général de ce parti pour arriver à sa finalisation. Le consensus a été laborieux, certains estimant que ce n’était pas le moment le mieux indiqué pour ouvrir une controverse publique sur le bilan de leur parti. Mais le Chef du gouvernement, par ailleurs premier responsable, a fini par valider ce texte. Sans doute déjà fragilisé par le choc de la pandémie et par le fait que le dispositif de lutte lui échappe et qu’il est pris en mains dans les conditions optimales par les départements ministériels de l’Intérieur surtout ainsi que par ceux de la Santé et de l’Éducation nationale, il a donc cédé à la fébrilité et à une réaction compulsive… » .

Sehimi a expliqué à « Elaf Maroc » qu’il « ne portait pas préjudice ni ne visait spécifiquement le PJD », pour preuve l’article en question était accompagné d’un autre au bas de la page qui traite de la position des autres partis, critiquant « leur faiblesse dans la gestion de la situation ».

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Sehimi a expliqué au site Elaph que son premier article était « un point de vue dans lequel il relève la faiblesse du gouvernement dans la gestion de la situation épidémiologique, ainsi que la faiblesse des partis, en particulier le PJD qui dirige le gouvernement », soulignant qu’il critique tous les partis pour « leur incapacité à jouer leur rôle dans ces circonstances » alors que « la responsabilité première incombe au chef du gouvernement, en tant que secrétaire général du Parti justice et développement ».

Sehimi a souligné que « le gouvernement actuel a été malchanceux dès le début », rappelant les épreuves auxquelles il a été confrontées depuis son avènement sans qu’il ait été « en mesure de faire face aux problèmes posés » et « apporter des solutions ». Ce qui « fait intervenir le roi » à cause de la « faiblesse » et de « l’échec » qui caractérisent l’action de l’exécutif concernant plusieurs projets. »

Selon Elaph, « le PJD n’apprécie pas qu’une personne accomplisse son travail en tant qu’analyste politique indépendante qui n’est affiliée à aucun parti, qui n’a aucun problème avec un parti particulier, et qui avait précédemment critiqué les performances d’autres partis tels que le Parti authenticité et modernité et le Rassemblement national des indépendants, et qui peut se tromper ou être juste dans son analyse en exprimant une opinion dans un dialogue démocratique, la perfection étant du ressort de Dieu ».

« Le PJD est-il sacré? », s’interrogé Sehimi notant que « ce parti n’accepte pas qu’un analyste politique ouvre un dialogue et un débat ». Et d’ajouter: « le refus du dialogue est dû au fait que j’ai provoqué la discussion dans des circonstances particulières et spécifiques, marquées par ce qui caractérise la façon dont le parti a géré la crise du coronavirus, en plus de la nouvelle conception qu’ont commencés à avoir les Marocains du ministère de l’Intérieur », de « ce que fait le roi » et de la donne que « l’Etat est devenu la base ».

Soulevant la question des prochaines échéance électorales, Sehimi s’est interrogé sur « le bilan attendu » et « la crédibilité du PJD » à proposer un programme pour la période à venir après que le gouvernement actuel ait démontré sa faiblesse et son échec ».

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