« Faites ce je dis mais ne faites pas… »***

Par Ali Bouzerda

Selon Oscar Wilde, « un masque raconte beaucoup plus qu’un visage nu… » et par ces temps d’incertitude où Covid-19 sème la terreur et le désarroi, il serait plus adéquat de le paraphraser en disant qu’un masque protège beaucoup plus qu’un « visage nu ».

Et pour cause, le samedi 18 avril, dans le sillage de l’annonce officielle de la prolongation d’un mois supplémentaire de la période du confinement, et ce, jusqu’au 20 mai, M. Abdelmalek El Youbi, patron de la Direction de la lutte épidémiologique au ministère de la Santé, a été l’invité de la première chaîne nationale SNRT pour commenter les derniers développements de la pandémie du coronavirus (Covid-19) dans les différentes régions du Royaume.

Tout d’abord, il faut rendre à César ce qui est à César… Personne ne peut remettre en cause la compétence et le professionnalisme de M. El Youbi, mais nombreux téléspectateurs ont été surpris par sa présence sur le plateau de la chaîne de rue El Brihi « « sans masque ». On ne parle pas ici de métaphore mais de « masque de protection sanitaire » qui fait l’objet de toute une campagne médiatique à l’échelle nationale…

Heureusement que M. Khalid Aït Taleb, ministre de la Santé a été au rendez-vous le lendemain lors d’un point de presse à Rabat. En s’exprimant devant les caméras de télévision, le ministre a bel et bien porté un masque blanc, respectant ainsi les consignes en vigueur.

Il a exhorté les Marocains à la vigilance face à l’ennemi invisible, notamment en respectant « les gestes barrières » afin d’éviter le pire tout en soulignant qu’au Maroc « la situation est « stable » et « sous contrôle ». Toutefois le ministre a tiré la sonnette d’alarme: « tout relâchement » dans le respect des « gestes barrières » pourrait avoir des conséquences graves.

En fait, le port obligatoire du masque sanitaire fait partie de ces « gestes barrières » qui incluent « la distanciation sociale » et la nécessité de se laver les mains régulièrement avec du savon…

Et pour revenir à notre expert du ministère de la Santé, on se demande si M. El Youbi aurait oublié son masque sanitaire à la maison ou plutôt il aurait été déstabilisé par les lumières du studio en 3D de la SNRT et a préféré s’en passer pour des raisons esthétiques, semble-t-il.

En bref, la morale de cette histoire est que le téléspectateur lambda ne comprendrait pas pourquoi on interpelle les gens dans la rue en cas de « non-respect » du port du masque sanitaire et qu’un serviteur de l’État qui fait son apparition chaque soir sur les écrans de télévision ne le porte pas, notamment dans un studio. En d’autres termes, le studio est un espace fermé où se trouvent une présentatrice et des techniciens…

Et pour ne pas tourner autour du pot, l’expert en question qui connaît bien la règle et la conseille aux autres, a malheureusement commis « un impair » en transmettant, en prime time, à des millions de téléspectateurs un message confus et contradictoire, pour ne pas dire « inacceptable ».

Par ailleurs, il est à souligner que le Docteur El Youbi, lauréat de l’Institut français de développement de l’épidémiologie appliquée (IDEA), est un bon communicateur mais il n’est pas invincible.

In fine, chuchotons à l’oreille du Docteur, censé donner l’exemple, que certains peuvent argumenter en disant que ce qui importe c’est le contenu de l’intervention de samedi et que le port du masque n’est en fin de compte qu’un « détail ».

Mais malheureusement, « le diable serait dans les détails », disait le philosophe allemand Nietzsche.

*** Cette expression est devenue un proverbe populaire et remonte à 65 après Jésus-Christ.

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