La France « est en guerre ». C’est le président François Hollande qui l’a lui-même décrété devant l’Assemblée générale des Nations-Unies à New-York. L’exécution en Algérie de l’otage Hervé Gourdel est à l’origine de ce diagnostic posé alors que Paris est déjà engagé dans de multiples interventions qui, elles, ne portent pas leur nom : Centrafrique, Mali, Irak (…).
Il est vrai que l’assassinat de ce randonneur a bouleversé, tous clivages confondus, la France entière. Et a permis à l’Algérie, après dix ans d’accalmie précaire, de se retrouver dans la fournaise des médias internationaux. Oubliée la « concorde civile », vendue par Abdelaziz Bouteflika, oublié le « qui tue qui » dont la formule faisait le miel des éditorialistes. Maintenant, 18 ans après le massacre des moines de Tibehirine, sur lequel la justice française continue d’enquêter, l’Algérie est à nouveau black-listée par le Quai d’Orsay pour les touristes Français. Après l’appel de l’Etat islamique à tuer « les méchants et sales français » par tous les moyens, le message a été reçu 5 sur 5 par l’opinion publique comme le résume le caricaturiste du journal Sud-Ouest avec le dessin d’un couteau ensanglanté qui s’attaque à la tour Eiffel. Les liens historiques, humains et économiques entre Paris et Alger mettront longtemps à cicatriser cette nouvelle blessure « barbare » comme l’a dit l’influent imam de Drancy, Hassen Chalgoumy qui considère que « tous les musulmans de France sont des Hervé Gourdel ».
Les origines de cette rechute de l’embrasement du monde arabe sont anciennes et diverses. Le soutien inconditionnel de l’Administration américaine à Israël, le fiasco sanglant irakien de George W . Bush, les atermoiements de Paris et Washington avec Bachar El Assad, le grand méchant loup d’hier et le nouvel allié clandestin d’aujourd’hui.. On notera à ce sujet que le l’ex-futur candidat à l’Elysée, Nicolas Sarkozy n’a pas mentionné une seule fois ce conflit protéiforme dans les 45 minutes de discours que le service publique audiovisuel lui a accordé pour annoncer sa candidature. Or, il est aussi évident que tant pour le Maghreb que l’Afrique subsaharienne son règlement de compte personnel avec Mouammar Kadhafi est à l’origine de ce chaos et du pillage du trésor de guerre qui a suivi la chute du guide.
Mais, et c’est encore plus regrettable, des pays musulmans complètement étrangers à cet embrasement vont en payer les conséquences. Pas moins de trente pays sont désormais sur la liste rouge de « vigilance renforcée » du Quai d’Orsay dans ses fameux « conseils aux voyageurs ». Pourquoi le Maroc ? Pourquoi le Burkina Faso ? Pourquoi le Niger ? Pourquoi l’Egypte ? L’ensemble du monde musulman pourrait être concerné par cette mise en garde, et on en est pas loin, puisque même la Malaisie et l’Indonésie sont sur la liste. De Bali à Assouan, des milliers de citoyens pacifiques qui vivent du tourisme vont encore en payer le prix. La France, elle, ne paye plus ses rançons pour faire libérer ses otages. Mais le « choc des civilisations » qui, diplomatiquement n’existe pas s’est matérialisé avec la décapitation de quatre otages. Le terrorisme et la bestialité ont encore de beaux jours devant eux.
Par Nicolas Marmié
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