Le célèbre poète syrien Adonis a indiqué que la question qu’il aimerait poser au défunt penseur marocain Abdelkebir Khatibi est : « Les musulmans arabes du XXIe siècle entreront-ils, par la force de la réalité objective, dans l’étape post islamo-arabe aussi bien au niveau politique que culturel après que certains aient réduit l’Islam à être une simple autorité et des outils et que d’autres se soient résignés et devenus dépendants d’autrui sans aucune capacité de dialogue ? ».
Le poète qui vit en exile en France a été l’invité mercredi soir du colloque international à Rabat sur la pensée du sociologue et intellectuel marocain Abdelkebir Khatibi. Colloque qui se poursuit jusqu’au 22 mars à l’initiative de l’Académie du royaume.
« Ceux qui appartiennent au monde islamique se trouvent liés du point de vue du droit religieux et aussi du droit positif », a relevé Adonis, qui intervenait sur « AbdelKebir Khatibi, quel héritage ? », soulignant qu’ils « parlent du paradis alors qu’ils sont au cœur de l’enfer « .
Et d’ajouter : « Nous sommes en face d’un Occident politique auquel nous nous sommes donné après le repas grandiose de midi, à savoir nous manger les uns les autres ».
+ Le mode dominant chez les Arabes la transmission au lieu de la raison +
Le poète syrien, dont les propos ont été relayés par le site arabophone Hespress, a également souligné que « le concept d’hérésie n’existe plus dans le christianisme et le judaïsme, alors qu’il est toujours très présent dans le lexique de l’Islam, ce qui nécessite une étude psychologique, sociologique et anthropologique ».
Il a, en outre, rappelé que « tous les poètes arabes étaient contre la religion », soulignant que le mode dominant chez les Arabes est « la transmission au lieu de la raison, l’injustice au lieu de la justice, l’unité et l’exclusion au lieu de la pluralité ».
« Le troupeau est maintenant aux commandes; il veille sur ses gardes, et ce sont les chevaux qui montent les cavaliers », a affirmé Adonis ajoutant : « O Abdelkebir, devons-nous céder et s’agenouiller comme les ancêtres? ».
Adonis, qui considère que « la pire des prisons est celle sans murs« , estime également que les Arabes sont asservis au nom de Dieu, de la religion et de la liberté.
Pour rappel, Adonis est connu pour ses positions souvent radicales concernant la religion et la culture arabe: « Politiquement, les Arabes n’ont jamais connu la démocratie dans leur histoire moderne, ni dans leur histoire ancienne.
C’est quelque chose d’extérieur à l’héritage culturel arabe », a-t-il dit.
Dans une interview accordée le 7 septembre 2007 à la chaîne Al-Arabiya, il affirmait par exemple : « Nous sommes un peuple en voie d’extinction. […] Nous n’avons plus la capacité créative d’édifier une grande société humaine ni de participer à la construction du monde ».
Lors de son intervention à l’Academie du Royaume, Adonis a expliqué que « la raison exclue la religion » et de facto « nous avons besoin d’un Nietzche…car on ne plus continuer avec cette image (déplorable) sur l’Islam et les Arabes ».
A noter, le colloque sur Khatibi coïncide avec 10 ans de la disparition de cette figure de proue de la littérature maghrébine et se veut, selon les initiateurs, « une tentative de réponse et une réhabilitation d’une de nos mémoires intellectuelles et culturelles les plus fécondes ».