Heureux qui comme Benkirane…

Par Noury Adib

Pour être logique avec lui-même, Abdelilah Benkirane, ancien Chef du gouvernement de 2011 à 2017 devrait, depuis qu’il est officiellement admis à la retraite, impérativement disparaître de la circulation et laisser le champ libre à d’autres têtes de son parti d’émerger.

Ce personnage politique singulier, qui soufflait le chaud et le froid, et défendait, une fois au pouvoir, le contraire de ce qu’il préconisait quand il était dans les rangs, est devenu très populaire de par la verve de son verbe et le passage inopiné de l’humour au sérieux, rendant ses prestations au parlement, diffusées en direct à la télévision nationale dignes des shows de burlesque remplaçant les comédies qui font défaut à notre théâtre depuis longtemps.

À part ses sorties et ses frasques médiatiques, Benkirane restera aux yeux des Marocains comme le chef du pire gouvernement que le royaume ait connu depuis le recouvrement de son indépendance, de l’avis des observateurs, particulièrement les économistes.

Le bilan de ses six années de commandes est sombre. Seulement 27.000 emplois créés en trois ans, alors que le gouvernement Jettou en avait créé 953.000 en 5 ans, soit 190.000 emplois par an ; réformes ratées du secteur des hydrocarbures, des retraites, du droit à la grève sans compter les hausses des prix d’eau, d’électricité, du lait pour enfants, des denrées de premières nécessitées consommées par les couches pauvres de la société (lentilles, haricots, riz beurre etc). La liste est longue, très longue des ratés des gouvernements dirigés par le PJD.

+ Drôle de bête politique…+

Mais ce qui fait le plus mal au cœur est le retour pitoyable de Benkirane aux feux de la rampe. Quand cet ancien « bête politique » se lamente mesquinement de sa situation matérielle qu’il qualifiait entre « le mulet et l’âne », parce qu’il n’avait sur son compte que quelques « 10.000 dirhams ». Drôle de « bête politique » en effet !

Cette complainte me rappelle une fois encore Jamaâ El Fna quand conteurs publics et troubadours suspendent subitement leur spectacle et demandent à l’assistance de lever des prières pour la gloire et la santé des généreux parmi eux qui lui verseront une obole lui permettant de faire face aux aléas de la vie et ramener le soir « la gamelle à ses enfants ».

Sur ce registre, Benkirane a complètement oublié les personnages historiques auxquels il faisait référence dans ses meetings et qui plaçaient avant leurs intérêts, ceux « du pauvre affamé, du malade délaissé, le nu démuni, l’orphelin démoralisé, la veuve seule, l’oppressé vaincu, l’étranger prisonnier, le vieillard bien avancé, les nombreux enfants et le peu d’argent etc. » Paroles…paroles, disait la défunte Dalila.

La coquette somme de 9 millions de centimes de retraite dont tous les Marocains débattent ces derniers jours doit être considérée comme un grand et noble geste royal pour que Benkirane nous épargne désormais le spectacle pitoyable de sa sempiternelle « victimisation ».

Il doit garder à l’esprit qu’il est venu à la politique de son propre gré, un monde dans lequel les règles du jeu sont connues, acceptés et valables pour tout le monde. Si vous échouez aux élections, vous ne pourrez vous en prendre qu’à vous-même ; en revanche, si vous gagnez vous devez bénéficier du statut et des privilèges dus à votre mandat.

Je me demande d’ailleurs pourquoi Benkirane avait renoncé à son siège de député s’il se savait vulnérable sur le plan matériel ? Et comment il vivait auparavant, avant de devenir parlementaire d’abord, et Président du conseil par la suite ? Et surtout a-t-il pensé aux centaines de milliers de retraités qui ont vu leurs pensions ponctuées de sommes consistantes atteignant, pour certains d’entre eux, jusqu’à 1000 dirhams par mois ! Ce qui est valable pour lui, doit l’être pour les autres…

Qu’en pense Ibn Taymiyya dans ce cas de jurisprudence, Ssi Benkirane ?

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