Par Ali Bouzerda
L’histoire d’Amina, comme l’appelle affectueusement Benkirane, fait l’objet d’une polémique sur les réseaux sociaux et dans les médias marocains et étrangers. Même le prestigieux journal espagnol El País a amené de l’eau au moulin des islamistes en jouant le rôle de l’avocat du diable.
Cette semaine, Bilal Talidi, politologue et ancien éditorialiste d’Attjdid et membre du Conseil national du Parti Justice et Développement (PJD) veut trancher le débat et tourner la page de cette histoire par cette annonce dans le journal Akhbar Al Yaoum : « Nous sommes un parti politique et non un parti religieux…le Hijab (le voile) n’est pas embarrassant pour nos références… ».
Et pourtant, c’est une histoire de voile qui embarrasse le PJD et son back-office idéologique le Mouvement Unicité et Réforme (MUR).
Par contre, le Docteur Mohamed Azzeddine Taoufiq, professeur des études islamiques a avancé toute autre chose avec son « lot d’exégèse » en affirmant que « le Hijab n’est pas une histoire de liberté individuelle…mais un principe fondamental dans la Charia (Loi islamique) ».
Universitaire et membre du MUR, Dr Taoufiq est catégorique : quand un homme embrasse l’Islam, «il n’est plus libre » de faire ce qu’il veut, sinon il va s’exhiber nu devant les autres au nom de la sacro-liberté individuelle.
La messe est dite!
Au fait, c’est quoi cette histoire de voile et de voilée de l’Islam politique qui a été « dévoilée »?
Mme Amina Maelainine est une députée bien en vue au sein du PJD et qui parfois par excès de zèle devient insolente face à des personnalités plus âgées et plus cultivées qu’elle. Pas besoin de citer de noms ni de rappeler les circonstances pour une dame qui s’est attirée les foudres des adversaires, alors qu’elle est censée jouer « le rôle modèle» et « donner l’exemple aux autres », comme l’a si souvent rappelé à ses ouailles le guide populiste, Abdelilah Benkirane.
Tout a commencé avec « un scoop » d’un site électronique marocain qui a révélé des photos de la députée islamiste « moins voilée » que d’habitude, pour ne pas dire « les cheveux en l’air » comme une adolescente parisienne.
Et c’est ainsi, que les militants du PJD ont été « désagréablement » surpris par les images de leur sœur Amina esquissant une danse sur la Place Blanche, face au cabaret du Moulin Rouge, situé dans le fameux quartier sulfureux du XVIIIème.
Pour rappel, en 1889, quand le Moulin Rouge a été lancé, le but de deux redoutables hommes d’affaires, Joseph Oller et Charles Zidler, était de permettre aux plus riches de venir s’encanailler dans un quartier à la mode, Montmartre.
Ce lieu extravagant permet à toutes les populations de se mélanger. Petits employés, résidents de la place Blanche, artistes, bourgeois, hommes d’affaires, femmes élégantes et étrangers de passage s’y côtoient. Surnommé « Le Premier Palais des Femmes » le cabaret connaît rapidement un vif succès. Le cabaret en question trouve sa racine arabe dans Khamarat (khamr = vin), lieu où les gens s’amusent en buvant du vin.
Que faisait la députée islamiste dans ce « lieu de la débauche », selon la terminologie des prédicateurs de l’Islam politique? Curieux!
Mme Amina a vite nié l’authenticité de la photo, et a dénoncé ce qu’elle a considéré comme « fake news » et même menacé de poursuites judiciaires ses détracteurs.
L’affaire a fait boule de neige en ce début d’hiver, et les leaders du PJD à commencer par El Othmani se sont retrouvés dans l’embarras mais obligés de soutenir leur coqueluche. En bref, ils ont suivi à la lettre le dicton des arabes d’Orient : « Soutiens ton frère fautif ou victime, soit-il ».
En fin politique, Benkirane lui, a par contre observé une autre attitude visant à calmer la polémique par une banalisation de l’incident quoique touchant à l’un des principes indiscutables, à savoir l’exigence du port du Hijab chez les militantes du PJD.
« Le port du voile relève de la vie privée des gens… », a-t-il affirmé dans une sortie médiatique, en ajoutant qu’Amina était « assez grande pour se défendre toute seule ». En termes plus voilés « elle a déconné…eh bien, elle n’a qu’à se débrouiller toute seule ».
Par contre, une chose est sûre, Benkirane ne pardonnera pas. On a déjà vu le cas de la disparition de la scène politique depuis fin 2016 de la jeune et brillante députée islamiste Itimad Zahidi suite aux ragots sur « une fugue » à Paris.
+ Un seul et même discours… mais un double comportement +
L’histoire d’Amina et d’un certain nombre d’élus et membres influents du PJD ramène le débat sur la place publique à une question simple : en fin de compte quelle différence y a-t-il entre le PJD et les autres partis politiques ?
Le leadership du PJD ne cesse de rappeler à ses sympathisants le respect scrupuleux de la morale religieuse, la droiture et l’honnêteté.
Mais les récentes controverses liées à des comportements « hypocrites » notamment la balade nocturne et « discrète » à Paris, du ministre de l’Emploi, Mohamed Yatim avec sa bien aimée. La jeune dame à qui Yatim tenait et serrait bien la main n’était pas sa femme. La véritable épouse quant à elle, a été abandonnée à Rabat pour s’occuper du foyer familial.
Bien évidemment que tout cela relève de la vie privée des gens, islamistes , laïques ou autres… et elle doit être respectée. Mais, et il y a bien un « mais » dans ce cas de figure : il faut que l’amalgame et la confusion cessent une fois pour toute. Que cesse cette hypocrisie d’être « conservateur wahhabite » au Maroc et « moderniste – libéral » à Paris.
On ne veut pas rappeler ici, la polygamie des élus du parti de la Lampe et l’histoire de l’un de leurs ministres déjà marié qui aurait « piqué » la femme de son frère PJDiste.
L’histoire du voile d’Amina rappelle par ailleurs il y a quelques années, les positions agressives et scandaleuses prises au sein du Parlement par Benkirane et Choubani (ex-ministre du PJD) à l’encontre de deux journalistes dans l’exercice de leur fonction qui n’étaient pas habillées selon « les normes islamiques »…
Quand l’occasion se présente, les islamistes du PJD ne ratent jamais l’occasion d’instrumentaliser l’incident mineur pour en faire toute une tartine et une campagne médiatique virale.
Et enfin, j’ai oublié que toute cette histoire ne fait que mener tout le monde en bateau, les journalistes compris, car les choses sérieuses se passent ailleurs.
Ailleurs veut dire : les islamistes du PJD et leurs alliés préparent et se préparent de manière sérieuse pour les deux scrutins de 2021 et feront tout pour couper la route aux « rêveurs » comme Benchamach et Akhannouch, respectivement chefs contestés et incontestés du PAM et du RNI.
À bon entendeur, salut!