Conseil national de la presse – Les dérapages des «sages»

C’est un constat qui interpelle à plus d’un titre. Les professionnels des médias au Maroc n’ont pas pu mettre en place leur propre corporation professionnelle digne de ce nom. D’emblée, le taux de participation aux élections dans la catégorie des journalistes professionnels, qui était autour de 40%, selon les résultats officiels, laisse entendre clairement qu’il y a un malaise dans le secteur.

Dans l’histoire des élections ou du renouvellement des instances dirigeantes d’une corporation professionnelle, le taux de participation au scrutin n’a jamais été aussi faible que dans le cas marocain. Il n’est pas représentatif du tout. Et si l’on prend en compte les anomalies émaillant le fichier électoral, force est de constater que l’institution qui se mettra en place n’aura aucune légitimité, étant donné que la catégorie des journalistes professionnels a été «élue» sur des bases malsaines. En plus de ces multiples irrégularités, la question de l’indépendance de l’institution sera fortement remise en cause. Elle est indépendante par rapport à quelle partie ? Des personnages politiques tirent déjà les ficelles de la corporation et manœuvrent pour prendre les commandes de l’institution en recourant à des pratiques qui étaient de mises dans la formation des bureaux des communes dans le temps.

Le sale linge est lavé sur les réseaux sociaux, renvoyant ainsi une triste image de tout le secteur. Le personnage que d’aucuns croyaient être le plus sage a exhibé, à la grande surprise des internautes, un «certificat» de stage ou de «passage» dans un pays arabe, l’élevant au rang de diplôme universitaire.

En plus de l’histoire anecdotique de ce certificat, qui restera dans les annales de l’institution qui se mettra en place, la mention «passable» de son obtention en dit long sur la réalité de la chose. Quant à la question d’éthique, l’une des principales missions de la nouvelle institution, rappelons cette phrase de Saint Vincent de Paul : «On ne peut donner que ce qu’on a».

En effet, les pratiques auxquelles recourent certains «sages» battent en brèche la notion d’éthique et donne même au concept le sens contraire de ce qu’il signifie d’ordinaire. Dans ce registre, la carte «d’aide aux journalistes» a été remise sur le devant de la scène dans les rédactions pour manipuler les journalistes en vue d’arracher leurs voix, rappelant ainsi les mêmes manœuvres des courtiers des élections que toute la société dénonçait à haute voix.

Après l’annonce des résultats, les «sages» ont rappelé malignement à ceux qui les ont suivis et les suivent encore cette formule selon laquelle «les promesses n’engagent que ceux qui y croient». En roulant ainsi le «troupeau», les personnages de second rang, ayant servi de relayeurs pour les promesses des «sages», se sont retrouvés avec des rétributions consistantes, en guise de récompense.

Tout cela est devenu un secret de Polichinelle qui enflamme les réseaux sociaux. «Celui qui s’est frappé par sa propre main ne doit pas pleurer», résume plusieurs commentaires postés sur Internet.

Le secteur, qui devait, être distingué par sa rigueur, par son éthique et par son indépendance, éclairer l’opinion publique, rapporter l’information véridique, faire des éclairages rationnels et pertinents, s’est retrouvé au cœur des blagues de cette même opinion publique. La «faillite d’un contre-pouvoir», résume l’ouvrage de Luc Chatel et Philipe Merlant.

Par Ahmed Al Wadih

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