Mohammed VI: le roi jet-set de l’Afrique

imagesPar Dr Mohamed Chtatou

En réponse à une question d’un journaliste sur la personnalité du prince héritier Sidi Mohammed, le feu roi Hassan II rétorqua: « Lui c’est lui et moi c’est moi » et il avait amplement raison. Hassan II était beau parleur et casanier. Par contre, Mohammed VI est mesuré et homme de terrain. Il bouge tout le temps, pour la pose d’une première pierre ou l’inauguration d’un projet et il reviendra même, des fois, à l’improviste pour contrôler l’avancement d’un projet quelconque qu’il avait auparavant initié.

Un souverain sur son cheval d’acier

Au début de son règne, son terrain idyllique de jeu était le Maroc, sans préférence aucune pour une région spécifique. Il commença par les régions que son père avait défavorisées, pour des raisons politiques, telles qu’Al-Hoceima, Tanger et Tétouan. Après le Maroc, l’Afrique, dans son immensité, devint son terrain de prédilection, ou il continue, inlassablement, aujourd’hui à projeter l’expertise économique et technique de son pays, avec succès.

Dans sa mobilité constante, Mohammed VI ressemble plutôt à son arrière grand père Moulay Hassan I, qui régna de 1873 à 1894, gouvernant un Maroc borné et difficile. Ce Maroc comprenait deux grandes régions distinctes: bled al-makhzen, sous contrôle du gouvernement central et bled as-siba, pays des amazighs en plein dissidence qui reconnaissait pleinement le pouvoir religieux du sultan « Commandeur des Croyants » amir al-mu’minin, mais pas son pouvoir temporel, d’où leur refus catégorique de lui payer les taxes. Hassan I, pour contrecarrer diplomatiquement ce refus, institua des taxes religieuses dans le cadre de la zakat.

Hassan I mourra sur son cheval en 1894, lors de ses multiples déplacements, et son décès fut gardé secret par son chambellan hajib jusqu’au retour de son entourage à la capitale.

Le cheval de Mohammed VI, par contre, est en acier, c’est un vieux Boeing 747 de la Royal Air Maroc, qui sert à la fois de moyen de locomotion, de résidence et de bureau. Après l’Afrique francophone, le roi commerçant s’attaqua avec succès à l’Afrique australe, soulevant le mépris d’une Algérie jalouse de ce monarque jeune et dynamique qui ne s’arrête jamais, alors que le pauvre président algérien Bouteflika est cloué à une chaise roulante et est incapable de tenir une discussion de quelques minutes.

Mohammed VI n’est pas à l’image des souverains du monde qui passent leur temps dans leurs palais à cueillir des fleurs et organiser des fêtes mondaines. Mohammed VI en bon homme d’affaire qui a crée Morocco Inc. et exporte merveilleusement bien le know- how marocain en : télécom, banques, assurances, mines, eau et électricité, agriculture, irrigation, énergies renouvelables, management, etc. et met en place des projets win-win avec le capital marocain. En bref, un bon exemple de la coopération sud-sud, qui peut être enseigné dans les universités du monde, au bonheur des enseignants du développement et des concepteurs de modèles viables de bonne gouvernance économique.

Mohammed VI, est en train de montrer magistralement à tout africain qui se respecte qu’on peut foncièrement se prendre en charge et mettre en place un modèle de développement sud-sud pas coûteux sur les plans financiers et politiques et, bien sûr, bénéfique pour tout le monde.

Mohammed VI: calife africain itinérant

Lors de sa récente visite au Madagascar, Mohammed VI, qui normalement parle très peu avec la presse, a accordé une interview aux médias malgaches dans laquelle il déclara solennellement :

« Le Maroc et l’Afrique ne font qu’un. Les séparer serait un déracinement, une erreur » et affirma son respect pour les Africains :

« Chaque visite en Afrique est pour moi l’occasion de renouer avec les populations africaines que j’admire et respecte » tout en soulignant son vœu pieux de partage et d’empathie : « Le Maroc a des projets en divers pays d’Afrique. Nous donnons et partageons, sans arrogance, ni sentiment de colonisation »

Ce sentiment est, indéniablement, réciproque parce que pour beaucoup d’Africains Musulmans le souverain marocain est leur « Commandeur des Croyants » amir al-mu’minin et cela ne date pas, certainement, d’hier mais une histoire qui a commencé avec les dynasties amazighes des Almoravides (1040–1147) et des Almohades (1121–1269), qui ont introduit l’Islam en Afrique, non par le glaive mais par le biais du commerce bénéfique.

En effet, des caravanes commerciales marocaines ont, du 12 ème au 18 ème siècle, sillonné le sud marocain et l’Afrique sub-saharienne pour échanger de produits multiples. Tombouctou fut l’un des hauts lieux de cet échange. Avec ces caravanes, des oulémas se sont déplacés partout en Afrique de l’Ouest et ont construit des écoles coraniques ou on enseignait le Coran et le Hadith. Avec le temps les habitants de cette partie de l’Afrique ont adopté la graphie marocaine de la langue arabe al-khatt al-maghribi qu’ils ont utilisé pour écrire leurs langues communautaires telles : le Soninké, le Pulaar, le Fulfudé, etc. et cette tradition continue toujours aujourd’hui des plus belles.

Au 18 ème siècle, un grand alem soufi algérien Sidi Ahmed at-Tijani (1735–1815) vint s’installer au Maroc ou il ouvra une zaouia religieuse à Fès pour enseigner les préceptes d’un Islam modéré et ouvert wasatiyya, ce centre religieux fut appelé Zaouia Tijaniyya. Très vite son enseignement se propagea en Afrique de l’Ouest et ses adeptes, qui prirent le nom de Tidjanes, ouvrirent des zaouias africaines, qui vite devinrent des grands centres religieux. Aujourd’hui, pour des millions de Tidjanes en Afrique, la visite de la Zaouia Tijaniyya est considérée comme un « petit pèlerinage », de grande importance spirituelle.

L’influence chérifienne en Afrique de l’ouest s’étendit même au système politique. En effet, au nord du Nigéria, on trouve toujours des sultans reconnus par les autorités légales, qui jouent, certes, un rôle honorifique mais jouissent de beaucoup d’estime et de respect auprès de la population locale. Ces sultans sortent en cortège pour la prière du Vendredi, à dos de cheval, suivis de leurs sujets, dont un portant le parasol sultanesque, qui est l’emblème du pouvoir à la fois religieux et temporel, comme au Maroc.

Ordre économique africain

Mohammed VI, ce souverain jet-set de l’Afrique, dans ses multiples visites au continent noir œuvre inlassablement pour l’établissement d’un ordre économique africain, ou les africains, eux-mêmes, se prennent en charge, dans le respect.

Ce rêve n’est point une illusion, mais un vœu de tous les Africains, gouvernants et gouvernés, qui veulent tous le bien de ce continent qui a les ressources et les cadres et a seulement besoin de décisions politiques courageuses pour des projets de développement interafricains en dehors de toute idéologie nuisible et paralysante.
Aujourd’hui, malheureusement, beaucoup d’Africains sont soi des refugiés politiques, à la recherche d’une patrie de rechange, ou des immigrés économiques en quête d’un emploi et de la dignité humaine qui va avec.

Espérons, de tout cœur, que les leaders africains suivront, dans un avenir proche, l’exemple de Mohammed VI, pour mettre en place un ordre économique purement africain pour le bien e tous les Africains, sans exception aucune. Amen

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