Le « démon de midi »

Feu Stephen O. Hughes, le journaliste britannique qui a vécu au Maroc plus d’un demi siècle, disait si souvent que « le mois d’août au Maroc était celui des événements inattendus et brulants… » Il refusait d’ailleurs, de prendre ses vacances au cours de cette période de l’été…

Brusquement, je me suis rappelé sa sagesse et les aventures scabreuses du fameux Haj Tabet, ainsi que la tempête médiatique qui s’est déclenchée au cours du mois d’août 1992, à tel point que ses échos ont atteint le pays du Soleil Levant, à une époque où il n’y avait  ni Internet ni Facebook…

Bref, dont il est question ici, c’est naturellement la dimension prise par une « histoire d’amour » entre deux érudits religieux à un âge où généralement certains font face au  « démon de midi »; un phénomène et une métaphore qui renvoient au « démon » de l’amour qui guette l’espèce humaine sans distinction d’âge ou de religion.

Nous ne voulons pas ici entrer dans un débat byzantin sur les origines des mots et si cette métaphore a été empruntée à l’ancien Testament ou à la Torah … L’essentiel est que « le démon de midi » a apparemment frappé fort un prédicateur islamiste sexagénaire et une prédicatrice quinquagénaire. « L’amour a toujours été une histoire difficile… », nous le rappelle avec douceur  le chanteur casablancais Pinhas. 

A mon sens, et contrairement aux méchants propos proférés par certains, je considère que « l’amoureux ne peut être blâmé », car cela me rappelle les paroles de ce poète inconnu:

« Tes yeux sont des rivages sur un sable blanc

Tes cils sont défendus

Soit gentille avec le jeune brun qui a peur des veillées amoureuses… »

On dirait que ce poète était un témoin oculaire de cette « retraite d’amoureux », le 20 août 2016, sur les sables de la plage Mansouria? Les amoureux ne peuvent être blâmés d’autant que la culture arabe est riche en littérature et poésie sur l’amour, le flirt et l’admonition et plus encore…

Ah, je me suis rappelé que les dirigeants du Parti justice et développement (PJD) et du Mouvement unicité et réformes (MUR) font un mur solide contre la poésie et la philosophie et considèrent que les poètes sont suivis par des rêveurs et séducteurs qui errent partout et passent leur temps à palabrer…

Et les islamistes « pragmatiques »?

En fait, lorsque les internautes ont « redécouvert » la vidéo sur YouTube montrant l’érudite dame voilée donnant des leçons à des étudiantes sur « l’attitude à observer » en leur recommandant de toujours « baisser les yeux » en présence d’un homme, afin de ne pas commettre de péché. Elle a répété ces paroles sur un ton sévère et menaçant au point que le spectateur s’imaginait au Moyen-Age.

Dans ce même ordre d’idées, l’émission télévisée de Tijjini, diffusée récemment, à partir de Bruxelles sur ce « sex scandal », a dévoilé des images de notre cheikh, l’homme au tarbouch rouge qui se baladait dans un forum de femmes sans raison apparente… Et notons que « le tarbouch rouge » ici, n’a rien à voir avec le livre du jeune écrivain Abdellah Taia qui vit à Paris et qui est dénigré et combattu par les barbus à cause de ses idées sur la liberté sexuelle.

Partant de ce constat, doit-on exprimer notre solidarité avec les deux érudits amoureux poursuivis par la justice à cause d’un « moment intime » dans une Mercedes Benz loin des regards, malgré qu’ils savaient bien que « le démon » est toujours présent dans tout tête-à-tête privé entre un homme et une femme, comme le rappelle certains textes religieux?

D’ailleurs, pour la police,  le  » tête-à-tête »  de la Mercedes ne relève pas de « l’amour spirituel » mais constitue un  délit au regard de la loi, sans entrer dans les détails relatifs à « l’hypocrisie sociale » et « le mensonge » à l’égard des jeunes qu’encadrent ces deux érudits religieux, considérés par le PJD comme « un exemple » et un « modèle » de droiture…

In fine, laissons à la justice de dire son mot, même si « les deux tourtereaux islamistes » ne sont pas présentés devant le tribunal de Benslimane le 1er septembre. En fait les avocats de La Défense ont expliqué aux juges que leurs clients absents étaient en train de préparer « la paperasse » pour le mariage…

No comment!