Le code pénal doit respecter l’intégralité des droits humains

Le code pénal doit être élaboré par l’élite intellectuelle. Abdelaziz Elatiki, professeur à la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès, nous dit pourquoi.

« Le code pénal est un texte dur, qu’on ne peut pas modifier de façon périodique, car il touche aux libertés fondamentales. On doit prendre le temps d’y intégrer l’ensemble des principes de base sur lesquels il y a eu un consensus dans la société marocaine. Ce consensus doit être transformé en un ensemble de convictions à inculquer au peuple », a déclaré d’emblée Abdelaziz Elatiki dans un entretien exclusif accordé à Médias 24. Et d’ajouter : « L’avant-projet a tenté d’intégrer ces éléments, mais n’a pas eu le courage nécessaire pour se débarrasser des influences conservatrices. »

En effet, dans les débats publics, il est souvent question de compromis. C’est à croire que le souci premier est de proposer un texte qui ne déplaise à personne, mais qui ne convient à personne non plus. « Quand on parle de réforme, la plupart des intéressés nous répondent que le peu que nous avons fait est le maximum que l’on pouvait atteindre. Ou encore, qu’il n’est pas possible de garantir toutes les libertés, car le peuple n’est pas près de l’accepter », témoigne A. Elatiki, qui estime qu’il s’agit là d’une « recette » politique avant tout.

Selon le professeur universitaire, il faudrait être conscient de deux choses : « le premier principe qu’il faut intégrer, c’est que c’est le rôle de l’élite cultivée, engagée et consciente de tirer la société vers le progrès et la modernité. Inversement, si on adopte le point de vue traditionaliste de la masse populaire pour élaborer un texte, il est certain qu’on se rapprocherait plus de l’époque médiévale que de la modernité. » 

Il est donc nécessaire de suivre une vision éclairée, qui place la sacralité de la vie et des droits humains au centre de toute l’attention. « Cette approche naît à travers la culture des droits universels, à laquelle nous, Marocains, avons également contribué, directement ou indirectement, à travers les apports de notre civilisation, de nos valeurs et de notre culture et à laquelle nous continuons de participer », estime A. Elatiki.

                       +UN DISCOURS PUREMENT IDEOLOGIQUE…+

Le deuxième point sur lequel se base l’analyse du professeur universitaire concerne les paramètres sociaux et économiques, sur lesquels les détracteurs de la réforme construisent leur discours pour légitimer un retard d’adoption. « Le discours véhiculé par les conservateurs, selon lequel les conditions sociales ne sont pas réunies pour adopter les droits de l’homme dans leur intégralité, est biaisé. On peut identifier l’origine de la vulnérabilité sociale actuelle comme une conséquence directe de l’existence de l’ignorance et de la pauvreté dans la société marocaine », nous déclare A. Elatiki, qui poursuit : « Cette vulnérabilité sociale est, en elle-même, une forme d’atteinte aux droits humains, car il est évident que l’État ne participe pas (ou du moins pas assez) à cultiver et à éduquer sa population. Cela signifie que les politiques bafouent une grande partie des droits élémentaires des citoyens. »

C’est justement là que réside le mal. « On utilise une atteinte aux droits de l’homme pour justifier une autre atteinte à ces mêmes droits ! C’est un discours purement idéologique », analyse notre source. Et de conclure : « À l’international, on considère que les droits humains sont un bloc indivisible, un système qui regroupe à la fois les droits civiles et politiques avec les droits économiques et sociaux. C’est justement pour contrer l’argument de ceux qui justifient le retard d’adoption des droits humains par une autre atteinte à ces droits. »

Afin d’éduquer la société aux valeurs universelles, l’État n’a d’autre choix que d’adopter les valeurs universelles des droits humains dans leur intégralité, en marquant une rupture avec le discours conservateur, qui risque d’entraîner le pays, à la longue, vers une réduction du champ des libertés. À ce propos, le CNDH recommande, en matière de droit pénal, l’adoption par l’État de l’ensemble des droits garantis par les traités et conventions internationales.

MEDIAS24/Article19.ma