« Le monstre Tchétchène »

Par Omar M. Bendjelloun*

« Le monstre tchétchène » est à l’imaginaire russe ce qu’est « Frankenstein » à l’Occident, « Qandicha » au Maghreb ou « Promethée » à la Grèce antique.

Un tchétchène décapite un professeur en réaction à un débat de classe sur les « caricatures du prophète Mahomet ». La matérialité du dossier pénal n’étant pas encore parachevée pour que l’opinion publique, orientée par des médias à dimension propagandiste, ressorte le débat sur l’Islam et les musulmans afin de rappeler leurs désignation comme bouc émissaires du crépuscule de l’Occident.

Ce que vit la France et l’Europe aujourd’hui en terme de croissance du radicalisme religieux est dû aux politiques occidentales de l’après seconde guerre mondiale. L’Occident a promue la pensée Wahabite comme rempart au communisme à travers les centres dits « Islamiques » qui, des décennies durant, recevaient des prédicateurs incitatifs à destination des communautés musulmanes afin qu’elles incorporent l’excommunication comme outil de distinction politique et sociale et intègrent le fantasme de supériorité spirituelle qui les « absout » du respect de la règle de droit.

Aurions-nous la mémoire courte :

Qui a fait la propagande du « djihad afghan » et les appels au don en faveur des combattants arabes ? Qui a construit le mythe du « lion du panshir » via une littérature abondante et une cinématographie dédiée si ce n’est les relais du sionisme dont un certain Bernard Henri Levy ? Qui a permis à Abdullah Azzam de traverser la campagne et le périurbain européen pour plaider la priorité du djihad sur la déclaration d’unicité en Islam ? Qui a autorisé Abu Qatada et autre Abu Hamza Masri de fonder leurs groupes extrémistes, d’éditer des livres réputés en idéologie djihadiste et de communiquer avec leurs adeptes en Afrique du Nord pour légitimer le meurtre des « impies » – femmes et enfants inclus – ?

Est-ce que Londres, capitale de l’empire où « le soleil ne se couchait presque jamais », ne s’est elle pas transformée en « Londonistan » qui a hébergé, ou héberge encore, des Abu Hamza ou autre Abdelkrim Motea ? Qui a permis aux Cheikhs salafistes de se promener à Hambourg ou ailleurs pour légitimer l’expropriation des européens et embrigader les semblables de Mohamed Atta pour le « djihad au nom de dieu » ? Qui a soutenu les « algériens afghans » à leurs retour du front soviétique pour former le GIA et paralyser l’Algerie dans sa deuxième grande guerre en un siècle ?

Non,

L’Europe sait très bien que les lieux de culte ont été politisés et orientés de manière volontaire, dans le cadre d’une politique mcarthyste décidée par les USA en vue d’endoctriner les communautés musulmanes contre le communisme, loin de l’exhibitionnisme laïc et autre inconditionnalité aux droits de l’homme. Cela bien avant que l’irritation textile provoquée par de simples hijab ne soit erigé en « appel à la libération ».

C’est en 1959 que le département d’État américain avait officiellement véhiculé une note diplomatique à toutes ses antennes de l’Atlantique à la mer de Chine, afin de « soutenir les relais religieux, traditionnels et féodaux du monde musulman, pour combattre le communisme pour lequel il y a une haine commune de l’athéisme ».

Le drame c’est que le « service après vente », cher aux techniques capitalistes, de cette sorcellerie politique qui a amené à la destruction du Moyen-Orient et à l’expansion inquiétante du sionisme qui prêche « l’alliance sémite » pour déstabiliser l’Europe menaçant de désagrégation, n’était pas inclus dans « l’intelligence collective » des agitateurs de la Virginie.

En marge de l’affaire du « monstre tchétchène » et au-delà du fait divers, de la catharsis et de la diversion politicienne, le mal devra être traité à la Racine. Les descentes dans les carrés clandestins et autre intransigeance avec le gras des cantines et les foulards, la contribution à la data et à l’armement des reliques djihadistes pour finir l’opération « anti communiste » dans les foyers irakiens syriens lybiens ou algériens, le soutien des régimes exportateurs de la substance idéologique par réalisme macroéconomique et génome « anti-rouge », la provocation de ce dosage allogène et explosif par des dessins fâchés avec le minimum artistique et déontologique, resteront les ingrédients d’un cercle vicieux qui tente de retarder le vrai débat sur les rapports de domination et d’exploitation. Cela nécessite des ruptures radicales pour espérer à ce qu’il ne devienne vertueux.

* Avocat et Universitaire, Neveu d’Omar Bendjelloun leader socialiste assassiné à Casablanca par la Chabiba Islamiya un jeudi 18 décembre 1975 à 15h.

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