Point de vue. Le Brexit se traduira par un renforcement des relations économiques entre Rabat et Londres (Diplomate)

Le Brexit profiterait-il au Maroc? Toutes les données et analyses laissent présager que le Maroc sera le grand gagnant de la sortie de la Grand Bretagne de l’Union européenne.

Comme le laisse entrevoir l’ambassadeur du Royaume Uni à Rabat, Thomas Reuilly, dont les propos ont été relayés par le site Alyaoum24, le Maroc a une belle opportunité, après la signature, en février dernier, d’un accord de partenariat post-Brexit avec les Britanniques.

En ce sens que cet accord ouvre pour le Maroc un marché économique et commercial immense et lui fait également gagner un allié international de poids qui dispose d’une grande influence en Afrique anglo-saxonne, au moment où les Britanniques pourront gagner, pour leur part, un allié fort et stable qui leur permettra d’avoir une forte présence dans une zone stratégique sur les fronts méditerranéen et atlantique à proximité de Gibraltar. De plus, le Maroc pourrait dans les années à venir être la porte d’entrée pour les Britanniques vers l’Afrique francophone.

Mais ce rapprochement maroco-britannique pourrait aussi soulever des craintes de la France et de l’Espagne, les principaux alliés et partenaires politiques, commerciaux, économiques et sécuritaires du Maroc, preuve en est certains rapports espagnols à ce sujet, rappelle alyaoum24.

+ Des opportunités dans divers domaines: agriculture, infrastructures, services, énergies renouvelables… +

L’ambassadeur du Royaume-Uni au Maroc, Thomas Reilly, qui s’apprête à quitter son poste au terme de sa mission, a souligné dans un entretien au journal « El Espanol » l’importance de l’accord commercial signé entre Rabat et Londres, précisant que pour ce qui est des produits agricoles, par exemple, 19% de l’huile d’olive, 25% des tomates, 60% des sardines et 75% des fruits rouges consommés au Royaume-Uni proviennent du Maroc.

Selon le diplomate, « pour que le Brexit réussisse, les nouveaux partenaires doivent être bien positionnés et proches géographiquement, comme le Maroc ».

Les nouveaux partenaires « devraient offrir des opportunités commerciales dans divers domaines: agriculture, infrastructures, services aux entreprises, énergies renouvelables et logistique. Le Brexit nous aidera peut-être à identifier des options qui n’ont jamais été considérées auparavant, et pourrait constituer une opportunité pour élargir l’horizon du pays et renforcer ses capacités dans le monde de la finance et des affaires ».

La sortie de la Grande Bretagne de l’UE fera bénéficier les exportations marocaines de nombreuses facilités. « Cet accord de partenariat entre le Royaume-Uni et le Maroc prévoit des baisses des taxes douanières concernant divers secteurs. Par exemple, nous avons négocié un quota de tomates qui pourraient arriver sans taxes dans le cadre de l’accord, ce qui équivaut à peu près au quota qui était exporté vers le Royaume-Uni dans le cadre de l’accord existant avec l’Union européenne par le passé.

L’ambassadeur estime que les entreprises et les sociétés britanniques pourront investir et s’installer au Maroc et en exporter, étant donné que « le travail ici n’est pas coûteux ainsi que la main d’oeuvre ». Concernant les investissements britanniques au Sahara marocain, Reilly a laissé entendre que l’accord de partenariat entre Londres et Rabat est similaire à celui conclu avec l’UE.

« Indépendamment (du problème) du Sahara, ce qui me semble important, c’est que les gens y vivent et que ces gens ont droit à l’eau, à l’éducation, aux opportunités économiques et aussi à la stabilité politique. Si une entreprise britannique leur fournit de l’eau potable, elle leur offre aussi un meilleur accès à la santé », a souligné le diplomate, estimant que la question politique ne doit pas empêcher le développement économique et la création d’une industrie qui emploie de la main-d’œuvre locale dans la ville marocaine de Dakhla, par exemple.

Pour ce qui est de la position du Royaume-Uni sur la proposition marocaine d’autonomie au Sahara, l’ambassadeur a rappelé que son pays reconnaît « les efforts sérieux et crédibles déployés par le Maroc », ajoutant qu’il s’agit d’une question « très sensible, qui doit être négociée dans le cadre des Nations Unies » avant de se féliciter de la tenue des tables rondes sur le Sahara initiées par l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU.

+ Inquiétudes espagnoles… +

Pour leur part, les Espagnols craignent que la relation maroco-britannique ne conduise au renforcement de la présence britannique dans le rocher de Gibraltar que Madrid cherche toujours à récupérer. Pour ‘ambassadeur britannique, « il existe une énorme opportunité de commerce entre le Maroc et Gibraltar, notamment en ce qui concerne les sources d’énergies renouvelables ».

De même, les forces armées marocaine et britannique entretiennent des relations de coopération en menant des manœuvres conjointes, a rappelé Reilly qui a exprimé, par ailleurs, l’admiration des Britanniques pour les zones touristiques voisines des deux villes occupées de Ceuta et Melilla où les britanniques cherchent à réaliser des investissements.

Si Madrid souhaite faire du Maroc une porte d’entrée vers le continent africain, Londres veut aussi en faire une plateforme tournée vers l’Afrique francophone, en échange d’aider le Maroc à pénétrer l’Afrique anglo-saxonne.

« Le cas du Maroc est différent. Il fait partie des pays francophones, il a une bonne diversité économique, il offre de bonnes opportunités économiques, mais il a aussi une stratégie de développement en Afrique. Nous soutenons l’Afrique, et le Maroc peut permettre au Royaume-Uni d’accéder à de nouveaux marchés sur le continent », a souligné l’ambassadeur.

Pour lui, le Maroc a fait le meilleur choix en se présentant comme une porte d’entrée vers l’Afrique, citant à ce sujet l’exemple du port de Tanger-Med « créé, il y a seulement 10 ans, et qui est classé aujourd’hui 30ème au niveau mondial ».

Concernant la crise libyenne, l’ambassadeur a relevé que le Maroc pourrait jouer un rôle important dans la recherche d’une solution, rappelant que Rabat a aidé dans les négociations, car « il est un pays qui peut parler aux différentes parties ».

Par ailleurs, la journaliste espagnole Sonia Moreno, qui a interviewé l’ambassadeur britannique, a expliqué à « Akhbar Al Yaoum » que les agriculteurs et opérateurs du secteur agricole en Espagne sont inquiets à propos de l’accord entre le Maroc et la Grande Bretagne et appellent le gouvernement espagnol des éclaircissements sur les taxes d’exportation vers le Royaume-Uni.

« Je pense aussi que la relation entre Gibraltar et le Maroc est quelque chose qui est prise en considération en Espagne », a affirmé la journaliste estimant que Madrid pourrait être le plus grand perdant, et dans une moindre mesure la France, du renforcement des relations maroco-britanniques et de l’amélioration de celles de Rabat avec Lisbonne.

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