Verbatim – Le patron de la RAM crie au secours : C’est « la pire crise » de notre histoire… des « pertes de 50 millions DH/ jour »

Alerte. En général, Abdelhamid Addou, le PDG de Royal Air Maroc (RAM) n’était pas trop bavard ni accessible pour les journalistes à la recherche de précisions sur l’état des lieux y compris les finances du prestigieux transporteur national. Toutefois, les temps ont changés et la pandémie du coronavirus (Covid-19) a bousculé les habitudes par sa surprenante dévastation et obligé les plus coriaces à revoir leur vision du monde et des choses.

Après un long silence pour ne pas dire réflexion car il n’avait pas le temps de réfléchir puisqu’il venait de rentrer d’un voyage inaugural Casablanca – Pékin à la mi-janvier 2020 avec ses copains triés sur le volet, quand la pandémie s’est déclenchée en Chine et obligea le gouvernement El Otmani à suspendre par la suite tous les vols de la RAM. Une véritable tragédie.

Bref, dans un courrier à ses « Chers collaborateurs », dont article19.ma a obtenu une copie, M. Addou souhaite tout d’abord ses meilleurs vœux pour le mois sacré de Ramadan, avant de passer aux choses sérieuses.

Dans un langage raffiné et didactique pour ne pas faire peur malgré la crise, le PDG de la RAM a averti qu’il ne faut pas rêver la reprise ne se fera pas de sitôt, mais dans pas moins de « 36 mois », c’est-à-dire à l’horizon 2023. « La route sera donc longue et pleine de turbulences… », prévoit-il.

Et avant d’y arriver à cette date butoir, il sort quelque chose de son chapeau tel un illusionniste et dévoile un « plan d’austérité drastique » dit-il, car la RAM perd pas moins de 50 millions de dirhams par jour depuis que ses oiseaux sont cloués au sol.

« Nous avons aussi lancé ensemble un plan d’austérité drastique, visant la pérennité des emplois sur le court terme. Grâce à ce plan, nous avons maintenu les fondamentaux de la compagnie, reporté des dépenses non essentielles, renégocié des contrats et des délais de paiement…Cela nous a permis de respecter nos engagements sur Mars, Avril et Mai », affirme-t-il.

+ « Nous pourrons lever de la dette garantie par l’Etat, pour faire face aux engagements du mois de Juin » +

Et de souligner presque en rouge : « Juin nécessitera néanmoins un apport important, en termes de cash-flow. A l’instar de beaucoup de compagnies aériennes, nous pourrons lever de la dette garantie par l’Etat, pour faire face aux engagements du mois de Juin ».

M. Addou indique à ses collaborateurs qui, sans nul doute, s’attendaient au pire : « Pour notre compagnie, la fermeture a concerné très rapidement l’ensemble du réseau, l’impact sur le trafic a été violent avec une baisse respective de 60% en mars et 100% en Avril, par rapport à l’année dernière, après une forte croissance à deux chiffres, entre Novembre et Février. Les pertes en chiffre d’affaires s’élèvent à 50 millions de dirhams par jour »

Et de rappeler : « Nous traversons donc la pire crise de notre histoire, une crise mondiale d’une magnitude jamais connue par notre génération, bien plus violente que 2001 ou 2009. Celle-ci sera longue, douloureuse et appellera chacun de nous à faire preuve de discernement et d’abnégation pour privilégier l’intérêt commun et la préservation des emplois, aux considérations court-termiste…

A l’instar de beaucoup de compagnies aériennes, nous pourrons lever de la dette garantie par l’Etat, pour faire face aux engagements du mois de Juin ».

+ Nous devons mettre toute démagogie de côté, garder la tête froide… +

Le PDG de la RAM parle de « plusieurs scénarii sont sur la table, en termes de niveau et de délais de redémarrage de l’activité » sans donner de précisions car, logiquement, il est prématuré de s’avancer sur des choses incertaines au moment où l’évolution de la pandémie est incertaine.

Dans son courrier, M. Addou promet une fois de plus de « chercher préserver au maximum l’emploi tout en garantissant la pérennité financière de la compagnie », et cela dans un environnement concurrentiel des plus agressifs, relève-t-il.

Mais sur un ton martial qui semble s’adresser aux pilotes et employés syndiqués, il rappelle à l’ordre : « Nous devons mettre toute démagogie de côté, garder la tête froide et avoir l’humilité nécessaire pour finaliser ensemble le plan de sortie de crise. Chacun son rôle, son expertise, et sa mission…

Je suis sincère et transparent avec vous, car je veux vous préparer à la réalité du nouvel environnement dans lequel nous allons évoluer. La survie de notre compagnie est en jeu si, ensemble, nous n’opérons pas les ruptures nécessaires, pour sortir de cette crise, plus forts et plus résilients, toujours prêts à servir notre raison d’être : être le porte-drapeau de notre Pays »

In fine, un petit mot gentil pour la clientèle de la RAM trop exigeante parfois notamment à cause des retards « structurels » de sa compagnie ou plutôt la compagnie nationale, M. Addou avoue à demi-mot les lacunes du passé : « Nous devrons être plus proches de nos clients, aussi bien avant le voyage que lors du vol, l’expérience client devra évoluer, c’est une obligation ».

Incha’Allah, doivent se dire ses « chers collaborateurs ».

Article19.ma