Lorsque la crème de la société marocaine tourne en âpre « béssara* »

Par Dr Jaouad Mabrouki

Après mon article intitulé « la crème de la société marocaine écrémée de civisme »**, j’écris ce papier suite à un scabreux incident qui s’est produit devant une école française.

Mais aussi suite aux trop nombreuses altercations et occurrences qui se produisent communément devant les écoles privées prestigieuses aussi bien marocaines qu’étrangères. Je vous avoue que je suis révulsé et complètement morfondu du Maroc d’aujourd’hui et je frémis de celui de demain.

Dans ma pratique quotidienne je reçois des enfants de ces écoles qualifiées « d’écoles de la crème de la société marocaine » qui me racontent le niveau philistin, fruste, vernaculaire de l’éducation qu’ils reçoivent chez eux, dans leurs grands palais avec les domestiques, la nounou, le jardinier et le chauffeur. Les descriptions des enfants m’ulcèrent à tel point que j’ai l’impression qu’il s’agit de parents moyenâgeux.

Très récemment, une maman d’élève d’une école française a été bestialement et férocement rudoyée physiquement et verbalement devant la dite école et cela sous les yeux de son enfant ! Non, détrompez vous, elle n’a pas été violentée par un délinquant tcharmiliste, mais malheureusement par une autre maman d’élève de la même prestigieuse école.

Évidement ces mamans font parties de la crème de la société marocaine, étant donné que leurs enfants sont inscrits dans cette école française dont les frais de scolarité peuvent nourrir une famille entière durant au moins une année si ce n’est plus.

Je me demande alors comment nous définissons « la crème de la société » ? Par le niveau universitaire ? Par la carrière professionnelle ? Par l’appartenance à des grandes familles nobles ? Par le niveau de l’éducation, de la politesse et des bonnes meurs ? Par le niveau de civisme ? Ou bien par le chiffre du compte bancaire ?

Il faut savoir que les enfants de ces écoles prestigieuses, bien qu’ils soient marocains, méprisent les autres élèves marocains fréquentant l’école publique et les désignent par « les zarabes », un néocolonialisme intrinsèque. Certainement ont-ils appris ce mépris de leurs parents fréquentant uniquement le cercle de la crème de la société, les entendant décrire les autres marocains indigènes par « laroubiya »***, tout comme ils méprisent leurs domestiques et leurs subordonnés.

Heureusement que nous ne voyons pas ce tcharmile dont a été victime cette maman appartenant à la crème de la société devant l’école la plus populaire du Maroc.

En effet les parents des écoles populaires « des zarabes » ne se considèrent pas appartenir à la crème de la société, ils se nourrissent à la douce béssara*, ils partagent les mêmes souffrances et les mêmes joies. Aucun de ces parents ne prétend être supérieur à l’autre, au contraire chacun tend la main à son prochain pour s’entraider et rendre leur vie plus crémeuse socialement en se valorisant par la bonté, la bienveillance, l’empathie, le bon voisinage, l’honnêteté, l’humilité, la simplicité et la générosité.

D’après vous n’est-elle pas là la vraie définition de la crème de la société ?

La problématique de ceux qui supposent être « la crème de la société », est que chacun d’eux prétend être le meilleur non pas par l’élégance de la politesse, par les bonnes manières et par les bonnes vertus, mais plutôt par la compétition et la rivalité en exposant ses signes ostentatoires de sa richesse, par ses sacs de marque, ses bijoux, ses montres qui nourrissent un village, ses chaussures et ses vêtements signés et évidement par sa grosse voiture qui pourrait transformer tout un bidonville en logements sociaux.

Ainsi j’argue que pour les marocains, c’est exclusivement l’argent qui accorde l’appartenance à la crème de la société, la preuve est évidente, pour un rien cette crème tourne à la béssara fétide.

Ainsi cette crème de la société marocaine nous prépare le Maroc de demain colonisé par « la béssara fétide de la haute société ».

*repas populaire à base de fève sèchée

**Publié en 2017 dans plusieurs presses électroniques

***Campagnards

**** Docteur Jaouad MABROUKI, Psychiatre, Expert en psychanalyse de la société marocaine et arabe

Article19.ma