Au Maroc, chaque jour qui passe, El Othmani et son gouvernement se trouvent enfoncés jusqu’au coup dans les sables mouvants de l’affaire de la journaliste en détention Hajar Raissouni. L’ONG internationale basée à Londres, Amnesty International (AI) vient d’adresser une pétition au Chef de l’exécutif l’exhortant à « libérer immédiatement et sans condition » la journaliste d’Akhbar Al Yaoum.
Pour rappel, Hajar Raissouni a été interpellée, le 31 août dernier, par des policiers en civil à sa sortie d’une clinique de Rabat et poursuivie en justice en état d’arrestation pour « avortement illégal » et « relations sexuelles hors mariage ». Elle risque jusqu’à deux ans de prison ferme.
Voici le texte intégral de l’appel d’Amnesty International :
« Pétition à l’attention du chef du gouvernement marocain, Saad-Eddine El Othmani
Monsieur le Chef du Gouvernement,
Le 31 août 2019, alors que la journaliste Hajar Raissouni et son fiancé sortaient de la clinique d’un médecin dans la capitale Rabat, six policiers en civil (dont l’un tenait un appareil photo) ont demandé à Hajar si elle avait subi un avortement. Ils ont alors interpellé Hajar Raissouni, son fiancé, le médecin et deux membres du personnel médical employés de la clinique. Selon l’avocat d’Hajar Raissouni, Saad Sahli, aucun élément de preuve ne fait état d’un avortement dans le rapport médical. Ces cinq personnes sont en butte à des accusations infondées : Hajar Raissouni est inculpée d’avoir recouru à un avortement, tandis que son fiancé est inculpé de corruption et d’avoir pris part à la réalisation d’un avortement. Son médecin est accusé de pratiquer régulièrement des avortements et ses employés d’avoir participé à un avortement. Tous les cinq risquent jusqu’à un an de prison. Hajar Raissouni et les quatre autres accusés sont maintenus en détention dans l’attente de leur procès prévu le 16 septembre, semaine au cours de laquelle Hajar Raissouni et son fiancé avaient prévu de se marier.
Le 4 septembre, elle a adressé depuis la prison une lettre à son journal Akhbar al Yaoum. Elle écrit que, pendant sa détention, elle a été interrogée sur ses textes politiques, sur l’un de ses collègues d’Akhbar al Yaoum et sur des membres de sa famille, dont son oncle Ahmed Raissouni, théologien de renom et ancien président du Mouvement de l’unicité et de la réforme (MUR), considéré comme l’un des principaux mouvements islamiques au Maroc. Ces informations font craindre que l’arrestation d’Hajar Raissouni ne soit motivée par des considérations politiques et liée à son travail de journaliste. En mai 2019, Hajar Raissouni a publié une série d’entretiens avec Ahmed Zefzafi, le père de Nasser Zefzafi, chef de file du mouvement de contestation Hirak El Rif. Elle a également publié des articles critiquant les autorités marocaines.
Je vous demande par conséquent de libérer immédiatement et sans condition Hajar Raissouni, son fiancé et les trois autres personnes détenues dans le cadre de cette affaire, car cette détention est une violation flagrante de sa vie privée et de ses autres droits fondamentaux. Je vous demande également de veiller à ce qu’elle soit détenue – dans l’attente de sa libération – conformément à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. Enfin, je vous invite à réformer les lois qui violent les droits des femmes, notamment les droits à l’autonomie individuelle et corporelle, à la non-discrimination, au respect de la vie privée et à la santé.
Veuillez agréer, Monsieur le Chef du Gouvernement, l’expression de ma haute considération. »